Pratiques contre-culturelles dans les brèches de la métropole

Les cas de Grrrnd Zero à Lyon et Avataria à Saint-Etienne

L'appel à projet du programme de recherches territorialisées en Rhône-Alpes se propose d'enregistrer les nouvelles pratiques induites par la dynamique de métropolisation en centrant son intérêt notamment sur « les acteurs non-institutionnels de cette métropole en chantier ». Autrement dit, comment « les citoyens ordinaires qui pratiquent le territoire » constituent-ils des usages et des modes de vie inédits, de nouvelles formes de vivre-ensemble et de liens collectifs au gré des avancées de la métropolisation ?

Notre proposition de recherche entend s'intéresser à différentes expérimentations culturelles et artistiques qui viennent reconfigurer la métropole. Celles-ci ont d'abord pour caractéristiques de s'adosser à des expériences vécues du territoire, de prendre en compte les inscriptions locales, celles des habitants d'une ville, celles des usagers de tel lieu culturel, celles d'artistes en prise avec leur environnement, etc. Elles viennent ainsi à mettre en cause la logique du détachement au centre de l'espace public républicain, cette figure du citoyen pensé comme détaché de ses milieux sociaux, culturels, et des différents territoires vécus dans lesquels il s'inscrit. A l'inverse, ces expérimentations s'appuient sur les attachements singuliers que les personnes nouent avec le territoire, attachements pratiques (liés à ce qu'ils font concrètement dans cet espace), mais aussi affectifs et idéologiques (ce qu'ils aiment et ce qu'ils veulent pour ce territoire), attachement à l'expression du rock indépendant dans un musée de la mine, ou au cinéma expérimental dans un théatre occupé, etc.

L'espace des flux créé par la métropole (et la figure de « l'usager pressé » qu'elle fait advenir) vient redoubler cette logique du détachement. La métropole dessine un espace urbain dont la fonction principale est bien de faciliter la circulation en son sein. Circulation des marchandises, des fluides, mais également des passants, ce qui construit la ville moderne c’est sa capacité à ordonner le réel urbain selon un double principe d’illimitation et d’inscription dans les réseaux globaux : « Les lieux perdent la substance même de leur signification culturelle, historique et géographique, pour être intégrés dans les lieux fonctionnels produisant un espace de flux qui se substitue à l’espace des lieux ».

Les acteurs des expérimentations auxquelles nous nous intéressons développent un discours et des pratiques qui mettent en cause cette dynamique des flux, et ils s'insinuent dans ses brèches. Précisément, ces expérimentations montrent comment la métropole peut aussi produire des attaches dans les plis, en dehors, et parfois contre ses réalisations et les transformations du territoire qu'elle inaugure : attaches à préserver avec le passé minier, à créer avec les exclus de la métropole à l'instar des sans papiers, avec d'autres hauts lieux culturels que ceux promus par la métropole, etc.

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