Repenser la citoyenneté aux bords du politique

Expériences marginales et expériences instituées de participation politique à l’épreuve des projets de rénovation urbaine dans trois pays : Catalogne, France et Québec.

Cette recherche a consisté à expliciter sociologiquement les formes d’expression et d’actions politiques d’acteurs qui, institutionnellement, n’ont pas part à la chose publique, parce que considérés comme incapables de contribuer à la définition du monde commun. « Simples habitants », « marginaux », « militants radicaux », « migrants en situation irrégulière »… toute une foule d’acteurs réputés en partie incompétents ou invisibilisés dans le champ des dispositifs de la politique classique, mais qui pour autant participent politiquement à la transformation des usages de la ville. Il s’agit ainsi de s’intéresser à un ordinaire de la politique, autrement dit à des expériences qui ne se donnent pas à voir dans des lieux labellisés comme politiques, à des formes de lutte et de critique déployées aux bords du politique pour faire pièce aux grands projets d’aménagement définissant un processus massif de métropolisation des espaces urbains contemporains. 

Nous nous sommes ainsi attachés à des formes de « citoyenneté » qui engagent de la conflictualité. Il ne s’agit pas en effet seulement de décrire l’intelligence et l’inventivité dont font preuve les acteurs pour s’occuper de leurs problèmes et de ceux des autres, mais de prêter attention à la manière dont la politique fait effraction, mettant ainsi en cause le cours ordinaire des choses. L’enquête s’est focalisée particulièrement sur des entreprises de radicalisation politique : expression d’une critique radicale des processus de gentrification ou d’embourgeoisement mettant à mal les quartiers perçus comme milieux de vie ; mais également mises en actes, mises en gestes de cette critique.

Si ces deux logiques d’ordinarisation et de radicalisation de la politique peuvent sembler antinomiques, elles n’en sont pas moins articulées dans la pratique par certains des collectifs avec lesquels nous avons travaillé dans le cadre de la recherche. Et la saisie de cette composition entre ordinaire et radicalité, qui peut passer en particulier par le brouillage de la disjonction entre la figure de l’habitant et celle du militant a constitué un des principaux enjeux de l’enquête.

L’approche, d’inspiration pragmatique et micro-sociologique, permet de décrire, au plus près des pratiques, les formes de citoyenneté qui s’inventent à même le cours ordinaire des choses. L’enquête a procédé par entretiens et observations in situ en s’inscrivant dans une logique de recherche-action sur les terrains choisis.

Six terrains ont été explorés sur ce mode : à Montréal (analyse des formes et enjeux de l’Opération Populaire d’Aménagement de la Table de Concertation des groupes communautaires Action Gardien et du projet de Centre Social Autogéré dans le quartier Pointe Saint-Charles), à Barcelone (retour principalement sur les initiatives politiques en lien avec l’occupation de Magdalenes), à Toulouse (où l’enquête s’est centrée autour du lieu occupé des Pavillons Sauvages), à Marseille (travail de recensement et de description des acteurs impliqués dans la remise en cause publique des opérations de rénovation du centre ville et en particulier du projet Euromed). Sur un mode plus mineur, nous nous sommes intéressés aux séries d’occupations qui ont donné une consistance au mouvement squat à Saint-Etienne, et aux formes d’affirmation politique d’une vie de quartier notamment sur les pentes de la Croix-Rousse à Lyon. 

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